Distributeurs français : l’Afrique, une piste suivie à pas comptés

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3 Décembre 2018

Dans son numéro de décembre 2018, Linéaires publie un dossier complet sur les implantations à l’international des distributeurs français, avec un zoom sur l’Afrique noire, au potentiel alléchant. Extraits en accès libre :

1 – Carrefour : un bilan décevant

« L’Afrique, il ne faut pas la rêver, il faut la construire. » La maxime est signée Adnan Houdrouge, le patron du groupe monégasque Mercure International, à la fois affilié Casino et U en Afrique noire. Elle doit grincer aux oreilles de CFAO, l’affilié Carrefour dans la région. En octobre, le conglomérat français (filiale de Toyota) a ouvert son second Carrefour Market en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Mais toujours pas de nouvel hyper en Afrique depuis l’inauguration il y a trois ans du Carrefour PlaYce Marcory d’Abidjan (3 200 m²). Une première ouverture au Sénégal est annoncée pour le premier semestre 2019.

Parti un peu plus tard dans la course (en mai 2016), Majid Al Futtaim, lui aussi affilié Carrefour mais pour l’Afrique anglophone, compte déjà deux hypers et quatre Carrefour Market au Kenya. Le partenaire de Carrefour au Moyen-Orient prépare l’ouverture d’un premier Carrefour en Ouganda voisin début 2019.

2 – Casino : entre Casino mandarine et cash & carry

Casino teste le cash & carry en Afrique noire. Fin mars 2018, le Français a ouvert en propre un cash & carry BAO à Douala au Cameroun. BAO, c’est la version africaine des cash & carry à succès Assaí développés par Casino en Amérique du Sud. A Douala, le magasin de 2 000 m² se positionne sur le terrain discount : « BAO, le magasin entrepôt aux prix bas ». Comme pour Assaí, l’accès n’est pas réservé aux seuls professionnels de la restauration ou aux patrons de supérettes. Le grand public est le bienvenu.

Mais en Afrique noire, Casino reste surtout présent via ses partenaires, à commencer par Mercure International : quinze magasins éparpillés au Sénégal, au Cameroun, au Gabon et en République du Congo. Des Géant, Hyper Casino et Casino surtout destinés à une clientèle premium : expatriés, classes supérieures. Mercure International réfléchit à convertir des supermarchés sous enseigne Casino mandarine. Cette déclinaison africaine des Franprix mandarine est déjà développée par les deux autres affiliés de Casino en Afrique : Coubèche à Djibouti et Prosuma en Côte d’Ivoire.

3 – U et Auchan à la bagarre au Sénégal

Pour Mercure International, les dernières ouvertures de magasins se sont faites sous enseignes U, avec sept Utile et U express au Sénégal depuis 2017, dont quatre cette année. La guerre des prix y fait rage avec Auchan via ses supers Auchan et ses MyAuchan. En quatre ans, le Nordiste est passé de 4 à 27 magasins (en propre), pour l’essentiel dans et autour de Dakar. Sa stratégie prix très agressive suscite la colère des petits commerçants. A Dakar, un collectif bat le pavé aux cris de « Auchan dégage » !

Outre Mercure International (Sénégal, Cameroun), en Afrique, U Enseigne s’appuie aussi sur des Associés U locaux : au Bénin, en Côte d’Ivoire et, depuis l’an dernier, en Guinée. Après avoir considéré ces ouvertures en Afrique comme des opportunités permettant de densifier ses flux logistiques vers les Dom-Tom, U Export s’est pris au jeu et ne cache pas ses ambitions. Lors de la signature du ralliement en Guinée, Serge Papin, alors patron des U, avait évoqué 55 magasins U d’ici à 2022.

4 – Intermarché en mode partenaire 

Les Mousquetaires se sont joints à la fête. Dédiée aux Dom-Tom et au grand export, l’enseigne Partenaire Intermarché a fait une première apparition en Afrique noire fin 2017, au fronton d’un magasin Hyper Budget d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Un supermarché a suivi. Deux autres supers doivent prendre aussi l’enseigne. En novembre, un magasin de 3 000 m² est passé Partenaire Intermarché à Mayotte, confetti français près de Madagascar. « Des contrats Partenaire Intermarché sont en cours de finalisation dans deux autres pays africains », indique Thierry Vetter, directeur général de Geprocor, filiale du distributeur exportant dans les Dom-Tom et dans 70 pays les produits des usines d’Agromousquetaires.

Source : Linéaires.

Interview :

Jean-Christophe Brindeau, directeur général de CFAO Retail, affilié Carrefour en Afrique noire francophone (Photo : CFAO – Patrick Sagnes)

« Nous ne sommes vraiment pas dans une approche de conquête, mais dans une stratégie d’adaptation et de crédibilité. » 

Jean-Christophe Brindeau, 55 ans, a remplacé Xavier Desjobert au poste de directeur général de CFAO Retail en janvier 2018. Il était précédemment directeur des opérations du groupe Ho Hio Hen, affilié Casino dans les Antilles et en Guyane. Auparavant, de 1992 à 2016, Jean-Christophe Brindeau a occupé plusieurs fonctions au sein du groupe Casino, en France, en Amérique du Sud et dans l’océan Indien, région où il a été de 2012 à 2015 pdg de Vindémia, leader de la distribution dans cette zone (135 points de vente). 

Quelles sont les dernières ouvertures de CFAO en Afrique ?

Nous avons inauguré le 22 novembre dernier notre troisième implantation commerciale dans la capitale économique ivoirienne. Après PlaYce Marcory en décembre 2015, PlaYce Palmeraie en juillet 2017, ce Carrefour Market est situé à Yopougon, la plus grande commune d’Abidjan, dans le centre commercial Cosmos. En décembre 2017, nous avons également ouvert le Carrefour Market de Bonamoussadi, à Douala, la capitale économique du Cameroun. À chaque fois, nous appliquons les mêmes recettes et un même engagement pour nos clients : l’accès à des produits de qualité au meilleur prix.

CFAO a un projet bien avancé au Sénégal. Sous quelle enseigne : Carrefour, Carrefour Market, magasins de proximité comme Auchan et U ?

Nous avons effectivement un projet en cours au Sénégal que nous serons en mesure de présenter au début de l’année 2019. Il est important de souligner que l’offre CFAO Retail est de plus en plus complète et adaptée à nos différents marchés d’Afrique subsaharienne. Nous sommes capables d’opérer à la fois des centres commerciaux importants avec plusieurs dizaines de cellules et un magasin alimentaire, mais aussi des formats plus petits, comme Carrefour Market avec parfois quelques enseignes. Cette agilité nous permet d’être au plus près de nos marchés.

Fin 2015, lors de l’ouverture de votre premier Carrefour africain, en Côte d’Ivoire, des ouvertures avaient été annoncées dans au moins huit pays de la ceinture côtière : Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigeria, Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, Rép. Démocratique du Congo.Une centaine de sites étaient prévus d’ici à 2025. Avec deux pays implantés et quatre magasins seulement en trois ans, comment expliquer ce retard ?

Effectivement, plusieurs dizaines d’implantations sont prévues à l’horizon 2025 en Afrique subsaharienne. Mais un projet comme celui que porte CFAO doit aussi savoir évoluer en fonction des aléas ou des conjonctures dans certains pays. Sur nos marchés, les enjeux sont nombreux. Ils sont à la fois politiques, monétaires ou économiques et une situation dans un pays à un instant t peut évoluer très rapidement.

La force de CFAO en Afrique est justement de ne pas appliquer des modèles préconçus et de proposer pour chaque marché un savoir-faire dédié. C’est cette maîtrise de nos réseaux de distribution et l’empreinte de CFAO depuis plusieurs dizaines d’années sur nos marchés qui nous permettent de déployer notre stratégie retail. Nous ne sommes vraiment pas dans une approche de conquête, mais dans une stratégie d’adaptation et de crédibilité. Notre stratégie a l’appui de nos partenaires commerciaux : plusieurs grandes marques internationales (pour les boutiques dans les centres commerciaux PlaYce de CFAO, NDLR) nous font confiance et nous confient leur développement au sein du Club des Marques que nous avons lancé en 2015.

CFAO n’a-t-il pas fait une erreur de positionnement en ciblant une classe moyenne aisée trop faible encore en Afrique, avec des centres commerciaux PlaYce trop ambitieux ?

Là aussi votre question ne s’applique pas sur les marchés dans lesquels nous opérons. La classe moyenne en Afrique a des contours beaucoup plus larges que celle que nous pouvons rencontrer en Europe. Par ailleurs, elle est multiple et prend plusieurs formes, plusieurs visages. D’ailleurs, on a tendance à évoquer « les » classes moyennes en Afrique plutôt qu’une seule classe moyenne. Nous avons choisi d’aller à leur rencontre par le haut, en visant des ménages à revenus autour de 15 $ par jour. Cela a été immédiatement un succès. Petit à petit, nous élargissons notre offre pour nous adresser à des populations plus larges. C’est le sens de notre récente ouverture à Yopougon, qui est la commune la plus peuplée d’Abidjan.

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