Le mystérieux ” bailleur ” ayant racheté les activités nigérianes de Shoprite enfin dévoilé

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L’idée avait été évoquée depuis un certain temps déjà. On savait depuis longtemps que Retail Supermarkets Nigeria Limited (que la plupart des Nigérians connaissent sous le nom de Shoprite) allait quitter le marché nigérian après 16 ans.

Au cours de l’année écoulée, la question a été la suivante : “Qui va prendre les rênes de Shoprite ?” Et les rumeurs n’ont cessé de circuler, jusqu’à ce que certains faits émergent récemment.

Le 2 juin 2021, la réponse à cette question a été officiellement rendue publique. Shoprite Holdings avait vendu ses activités au Nigeria (pour un montant non divulgué) à une société locale qui préfère ostensiblement faire profil bas, du moins dans les médias.

L’acheteur s’est révélé être Ketron Investment. On aurait du mal à trouver un site web dédié à cette société, et l’essentiel de ce que l’on sait est qu’il s’agit d’une “société nigériane détenue par un groupe d’investisseurs locaux dirigé par la société immobilière Persianas Investment Ltd”, selon Bloomberg.

Contrairement à la société Ketron Investment, apparemment inconnue et à la limite de l’obscurité, Persianas a une empreinte reconnaissable au Nigeria, principalement dans le développement et la gestion de biens immobiliers. Mais les médias ont peu parlé de l’entreprise, du moins jusqu’à récemment.

Voici donc une société immobilière peu connue à la tête d’une entreprise encore moins connue qui a effectivement racheté la plus grande chaîne de supermarchés d’Afrique dans le pays le plus peuplé du continent. Alors, qui est vraiment cet acheteur ?

Le blues du retail

Pour ce que cela vaut, le départ de Shoprite du Nigeria n’a jamais été une sortie du type “nous avons reçu une offre massive que nous ne pouvons pas refuser”. Il s’agissait plutôt de : “Nous devons réduire nos pertes et abandonner nos opérations au Nigéria devenues un gouffre”.

Et il le fallait. Shoprite se targue d’être la première chaîne de supermarchés d’Afrique spécialisée dans les produits de consommation courante, allant des produits d’épicerie à certains articles électroniques. Son parc de plus de 2 800 magasins répartis dans 15 pays d’Afrique est inégalé, dépassant des entreprises comme Spar, Game, Pick n Pay et Massmart.

L’Afrique du Sud représente jusqu’à 80 % des bénéfices de Shoprite et 78 % de ses ventes globales. Cependant, les affaires de Shoprite en dehors de l’Afrique du Sud étaient en quelque sorte dans le rouge depuis un certain temps.

En effet, Shoprite Holdings a dû se retirer de certains pays, dont l’Angola et le Kenya, pour des raisons qui peuvent se résumer ainsi : “ça ne marche tout simplement pas ici”.

Lorsque Shoprite s’est lancé au Nigeria en 2005, il suivait les traces de certaines entreprises sud-africaines comme MTN Group qui semble y avoir trouvé un marché prometteur.

À l’époque, le Nigeria était, du moins sur le papier, un grand marché de consommation avec une classe moyenne importante.

Avec un marché de la vente au détail estimé à 109 milliards d’USD, dont seulement 5 % pour la vente au détail formelle, il est possible de déplacer une partie de la vente au détail massive qui a lieu sur les marchés ouverts et dans les petits magasins vers des installations de vente au détail formelles, grandes, propices et pratiques. Et c’est ce que Shoprite a cherché à faire à partir de 2005.

Mais si “Shoprite la marque” s’est solidement implantée au Nigéria pendant toutes ces années, “Shoprite l’entreprise” a connu des difficultés. En raison de performances médiocres prolongées, dues à la baisse des ventes et à la montée en flèche des coûts commerciaux (aggravée par un régime fiscal et un taux de change strict qui limite l’approvisionnement en marchandises et le rapatriement des fonds, et par des actes de vandalisme en représailles d’attaques xénophobes), Shoprite a eu du mal à prospérer au Nigeria.

De toute évidence, l’opportunité que le détaillant avait cherché à saisir s’est révélée être un trop grand casse-tête, avec peu de résultats à la clé. À titre d’exemple, seuls 11 % des ventes de Shoprite proviennent de l’extérieur de l’Afrique du Sud, en dépit de ses importants investissements dans plusieurs pays.

Il n’est donc pas étonnant que Shoprite, à l’instar d’autres détaillants sud-africains tels que Woolworths Holdings Ltd, Truworths International Ltd et Mr Price Group Ltd, se soit retiré du Nigeria, dans des circonstances similaires.

L’acteur local discret qui a racheté Shoprite Nigeria

Créée en 1990, Persianas est actuellement dirigée par son fondateur, Tayo Amusan, en tant que président et directeur général. La société est spécialisée dans le développement et la gestion d’espaces, qu’il s’agisse d’immeubles résidentiels de luxe, de commerces de détail, de lieux de divertissement et d’accueil, ou encore de développements commerciaux au Nigeria.

Pendant la majeure partie du début des années 1990, lorsqu’elle a lancé ses activités, Persianas s’est attachée à “répondre aux besoins des clients fortunés en matière d’hébergement résidentiel de qualité supérieure”. L’une de ses premières percées majeures a été la conceptualisation et la construction de The Persianas Palm Courts, une propriété résidentielle haut de gamme construite à Victoria Island, Lagos, en 1992.

Mais en 1999, la société était à la recherche de quelque chose de plus, quelque chose de moins élitiste et moins exclusif, mais toujours de haute qualité. C’est à ce moment-là que Persianas a commencé à s’intéresser de plus près à la disparité entre l’offre commerciale locale et les aspirations d’achat des classes moyennes et supérieures du Nigeria, en pleine expansion.

http://www.persianasgroup.com/

Cette année-là, les bases de leur premier développement commercial ont été jetées et, en 2004, Persianas a ouvert le Palms’, un centre commercial tentaculaire et haut de gamme à Lagos. La société a ensuite ouvert trois autres centres commerciaux similaires dans d’autres villes nigérianes, notamment Enugu, Kwara, Ota et Ibadan.

Devinez qui est l’occupant phare de tous ces centres commerciaux ? Bien sûr, Retail Supermarkets Nigeria Limited, alias Shoprite Nigeria. D’une certaine manière, le rachat de Persianas ressemble à un propriétaire qui absorbe les propriétés d’un locataire en difficulté.

Aujourd’hui, le groupe Persianas est un regroupement d’intérêts et d’investissements dans des environnements commerciaux, résidentiels et de détail, ainsi que dans le commerce de détail mondial (distribution de marques comme Puma, Hugo Boss et Lacoste), la gestion d’actifs et la gestion sportive.

Parmi les bailleurs de fonds de Persianas figurent la Société financière internationale (SFI) et l’IFC African, Latin American and Caribbean Fund, LP (ALAC), qui a investi jusqu’à 74 millions d’USD en fonds propres en 2012. L’IFC a également fourni un financement supplémentaire de 50 millions d’USD pour soutenir Persianas.

Avec l’acquisition de Shoprite Nigeria, Persianas passe du statut de “propriétaire d’un détaillant bien connu” à celui de “propriétaire et détaillant bien connu” – en partie parce que les termes de l’acquisition incluent un accord de franchise, qui garantit au détaillant nigérian le droit de continuer à utiliser la marque Shoprite.

Comme le rapporte Reuters, l’accord d’acquisition comprend également un “accord d’administration et de services qui fournit à l’entreprise une assistance administrative et technique de la part du groupe Shoprite pour une période initiale de cinq ans.” Et cela semble être un bon début.

En adoptant un plan de développement qui implique l’ouverture de magasins supplémentaires et l’introduction de produits fabriqués au Nigéria, Persianas et les autres investisseurs institutionnels toujours non précisés derrière Ketron Investment espèrent réussir là où Shoprite a échoué.

Mais ils ont certainement du pain sur la planche pour faire avancer la vente au détail formelle dans une économie nigériane confrontée à de forts vents contraires et à des troubles politiques.